samedi 16 novembre 2013

"Les amants irradiés" - Extraits


(...)

Qui aujourd’hui se souvient
Des amants irradiés
De Kenzaburô Ôé

Qui en ces temps
Où Fukushima
Pense encore à Hiroshima

Comme si tout cela
N’existait pas
Pour tous ceux qui n’y sont pas

Comme si tous ceux
Qui voulaient se souvenir
Les anges du pire

(...)

Dis-moi Hiroshima
Si ces mots inventés

Dis-moi Hiroshima
Que tout cela
N’a jamais été

Peut-être alors
Vais-je rester

Et toi
Fukushima

Dis-moi
Si ça peut m’arriver
Aussi à moi

Et j’entends s’ouvrir
Les pages des livres 
Et toutes à me dire
En un seul soupir  

Un jour
Une à une
Toutes les amazones de la toile
S’éteindront en un seul éclair
Sous la volonté incontrôlée
De la fée électricité

Et c’est dans cette obscurité
Que s’illumineront les lampions
De toutes ces âmes qu’elles ont tuées
Et dans une immense ronde
Elles s’uniront aux étoiles
Pour écrire sur la voie lactée
Tout ce que la lumière

(...) Extraits du chapitre "Les amants irradiés" (le testament du libraire) 


                                                                   *****
(...)

La jeune fille
N’avait pas le teint des hibakushas
Il chercha à dissimuler le sien

Le visage penché vers le sol
À juste lever les yeux
Pour la regarder

Cette posture
La fit sourire
Puis éclater de rire

Aucun
Avec ce regard là
En faisant cette tête là
N’avait poussé la porte de son magasin

Ensemble
Ils rirent
Et le jeune homme
Cessa de penser au pire

Une rémission
Ça peut tenir bon

Il voulait acheter un disque
Mais ne savait lequel

Il y avait si longtemps
Il n’était plus à la page

D’où venait-il
Pour ne pas connaître
Les tubes de l’été

Il était si jeune
Quand ça a commencé

Il n’a rien dit de plus
Mais sa voix venait de si loin
Qu’elle donna à la jeune fille
L’étrange impression
Qu’il parlait pour plusieurs

Comme un porte-voix
Venu d’ailleurs

Ils avaient pourtant presque le même âge
Elle aussi était d’Hiroshima

(...)

Dans la ville d’Hiroshima
Les enfants se sont aimés
Les enfants ont oublié
L’étrange décor qu’ils traversaient

Mais pas les corps
Le médecin qui le suivait
Lui avait dit

Ce n’est qu’un répit


(...) Extraits du chapitre "les amants irradiés"

mercredi 13 novembre 2013

Les roses pivoines de Fukushima

Il était une fois la terre

Comment va la terre ?

Elle est morte demain

Sous quelles mains ?

L'esprit humain








                                         Photos - Patrick Hörl
                                  Futaba - Zone interdite de Fukushima - novembre 2013


                                                                   *****


Quelqu’un marche sur une terre

Autrefois
Un monde

Désolation
Contamination

Des pas emmitouflés
Traversent

Sur le chemin
La nature continue
De hurler sa présence
En l’absence des hommes

Les pas s’arrêtent

Magnificence
Des fleurs blanches

Souvenir des roses

Celles-ci ont poussé
Sans qu’aucun jardinier

Réacteur nucléaire
Pulsions de la terre
Dans les veines d’un sol
À la beauté fragile
Versatile

Trompe-l’œil du vivant
S’offre des moments de joie
Sous les rayons d’un soleil ardent

Pivoines endormies
Dans les traits d’une rose

Le jardin de l’enfance

Pas une seule ne murmure

Noli me tangere
Sinon tu vas sombrer
Noli me tangere
Peut-être
Moi aussi

Oraison funèbre
Des chairs en velours blanc

Pétales immaculés
Douceur oculaire
D’une grâce insidieuse
Respirent à pleins poumons
Ce qu’autrefois la vie

Désir de lumière
À semer l’obscurité

Héritage des pères
Qui croyaient tout savoir
En remplissant leurs réservoirs

Il était une fois la terre

Le jardin d’un éden
Où l’homme
En sa semence uranium


jeudi 7 novembre 2013

Rüdiger Fischer, Poète, traducteur, éditeur…lorsque s’éteignent les passeurs...l’héritage de la lumière



Le silence…Un profond silence. Les mots ne savent plus dire lorsque s’éteint la vie.

Je viens de l’apprendre…C’était pourtant il y a déjà quelques mois !

Je n’ai rencontré qu’une seule fois ce magicien des mots, cet amoureux des vers, ce musicien des lettres. C’était en 2011 au marché de la poésie, place Saint-Sulpice à Paris.

Cet instant a suffi pour que mon recueil devienne sa partition allemande. Pour l’amour des mots dans le silence des peaux.

J’aurais tellement aimé qu’il devienne mon éditeur…mais je suis arrivée trop tard dans sa vie de passeur. En ces temps où la poésie si peu entendue…il en accompagnait tant déjà.

Traduire. Sa façon de me dire, sans jamais renoncer.

D’un texte l’autre. Sans hésiter il a repris sa plume et donné une seconde vie à une œuvre nouvelle. « Encore un jour, l’éternité » est devenu « Noch ein Tag vor der Ewigkeit ».   

Il n’a pas pu aller plus loin…Il m’a alors parlé de l’irréversible. J’avais la certitude que tout pouvait revenir...comme avant. Naïveté de l’espérance à croire que la sincérité de nos croyances…une guérison.

Il n’a pas répondu à mon dernier mail…

La dernière fois que je suis allée sur son site pour avoir des nouvelles de son silence…seuls ces mots « Wir bleiben ewig, solange lebt, wer uns geliebt hat »..."Nous sommes éternels/tant que vit/qui nous a aimé" (traduction - Martin Ziegler).

lundi 4 novembre 2013

Notes de Chine - L'armée de soldats de terre cuite - Xian le 26 octobre 2013

Esquisses d'un carnet :

Lorsque la mégalomanie frôle la grâce
L'instant
L'éternité

La terre
En son offrande silencieuse
















 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 Photos : Michèle Gautard