vendredi 1 juin 2018

Rayures bleues...Intemporalité d'un cri

Ce soir-là 
Sur scène
Un poète 
Silencieux

Le public 
Nerveux

Le bruissement des corps impatients
S’échappait du bois des chaises

Parmi eux 
Un homme 
Immobile
Pas un cil

Lui seul entendait 
Tout
Ce que ce silence

Du sablier
Un à un les grains

Le poète frôlait les lisières
S’y attardant 
Sans jamais 

Espérant ainsi
Que tous ceux 
Ici
Finiraient par comprendre

N’étaient-ils pas venus entendre 

Trop lourd
Ce silence 

Alors
Le poète leva
Lentement
Une main 

La salle 
En apnée

Soupir funambule
Singulièrement suspendu 
Au bois des chaises vermoulu

La voix du poète
Vers ce monde 

Deux mots

Rayures bleues

Et puis 
De nouveau le silence

Au milieu de cet océan de regards pétrifiés
Le poète se mit à trembler 
Tant il disait

Des kyrielles de mots 
Sous la peau

Rayures bleues

L’homme
Ferma un instant les yeux

Un bruit assourdissant 
Celui des essieux 
Puis
Les cris étouffés de tous ceux
Qui
Enfermés dans ces wagons

Ses pas 
Vers la mémoire

Lumière glaciale de l’oubli

Le bleu 
Intemporalité d’un cri

Et sur l’étagère de cette mémoire
Dans ce camp 
Où autrefois la terrifiante histoire 
Le vêtement 
Silencieux
Derrière la vitre protectrice

Pour que tous se souviennent
Et qu’aucune main mensongère 
N’efface de ce monde
Tout ce que l’histoire de ce monde

Alors que tous ces corps 

Tous ces corps
Tous ces corps
Tous ces corps 

En nous  
Brûlent encore
                                                                                                                                  
Du vêtement
L’homme ne voyait 
Que les rayures bleues

Ils furent des millions de rayures bleues

Ses souvenirs
En noir et blanc

Le bleu devenu noir
Le sang sombre de l’histoire

Mais la voix du poète
Immuablement

Pour que jamais
Plus jamais
Jamais plus