Lorsque les mots manuscrits deviennent des pages publiées, c'est une très belle étape, mais lorsque ces mêmes mots circulent, leur meilleure place est entre les mains des lecteurs. Peu importe le nombre... Il suffit d'un seul pour nous rappeler que rien n'est fait en vain.
Je serai donc présente le SAMEDI 5 AVRIL À 14H au salon international de l'édition indépendante (Palais de la Femme) sur le stand des Editions unicité -François Mocaër- pour "Journal de cendres". Au plaisir de vous y rencontrer... Le hasard est une nouvelle page en devenir...
Carnets divers
jeudi 27 mars 2025
"JOURNAL DE CENDRES" Présenté sur le stand des ÉDITIONS UNICITÉ - SAMEDI 5 AVRIL À 14H - SALON INTERNATIONAL DE L'ÉDITION INDÉPENDANTE
"JOURNAL DE CENDRES" - MORCEAU CHOISI PAR L'AUTEUR PIERRE KOBEL POUR SON SITE
La solidarité entre auteurs est un bien précieux qui rend visible ce fil de lumière intérieure qui relie les êtres. C'est tellement rare...
Grâce à Maggy de Coster, qui m'a présenté l'éditeur Editions unicité -François Mocaër- , l'un de mes recueils de poésie "Le jardin des césures" et "Journal de cendres" ont pu être publiés.
Au-delà de la publication, la circulation des mots ou des vers est ce qui rend vivant un travail...
Hier, les mots d'Amélie Nothomb...
Aujourd'hui, je dis un très grand merci à l'auteur Pierre Kobel d'avoir été un passeur de mots, "hors-champ" des ses propres pages.
samedi 22 mars 2025
GOLEM - TEXTE ET MISE EN SCÈNE, AMOS GITAÏ (au théâtre de la Colline)
Lever de rideau. Les lumières de la salle restent allumées. Sur scène, une harpe, une voix, un chant, une femme vêtue de noir, une langue que l’on croyait éteinte.
La soliste quitte la scène. Baisser de rideau. Un écran glisse lentement. Un voile sépare les mondes. Le public est plongé dans l’obscurité. Des images en noir et blanc enduisent ce voile d’une indicible noirceur. Autrefois, les pogroms.
Derrière cet écran, on entrevoit des silhouettes en mouvement. Elles sont sur scène. Superposition des temps, des espaces et des arts. Le théâtre. Le cinéma. Une chorégraphie des douleurs. Nous sommes sur un seuil. Si fragiles, les lisières.
Lever de rideau. « L’écran-tulle » disparait, emportant avec lui les images mémorielles. Les silhouettes entrevues deviennent des êtres de chair. Pas encore des personnages ; mais des présences. Des hommes et des femmes. Des conteurs.
Ils sont là pour nous raconter une histoire, celle du Golem. Cette créature d’argile issue des textes kabbalistiques, façonnée par l’imaginaire pour protéger les communautés juives, autrefois persécutées. Un fantôme protecteur. Un rempart d’argile.
Une pluie de vêtements s’abat soudainement sur toutes ces présences. Ces monticules de tissus vont devenir des costumes, un décor mouvant, que chacun va porter pour se protéger, se dissimuler ou devenir un autre.
Subtile et discrète mise en scène des corps. Pendant que les uns fouillent dans cet amas de vêtements, se griment, se transforment et se préparent à devenir un personnage, les autres jouent une scène que le conteur a amorcée.
L’histoire du Golem se raconte dans un mouvement perpétuel des êtres, des voix, des chants yiddishs, des langues vivantes ou mortes ; le tout ponctué d’une partition musicale. Sur scène, les musiciens jouent leur propre rôle.
Les pages du grand livre dans lesquelles le Golem s’est incarné se métamorphosent au fil du récit. Les conteurs finissent par devenir de vrais personnages et les scènes jouées semblent sorties des pages arrachées de ce livre. Sur l’une d’elle, le Golem apparaît, façonné sous nos yeux par les mains du rabbin. La terre fait corps avec l’esprit, la souffrance avec l’espérance. Croire pour survivre.
Le Golem devient une « réalité imaginaire » dans le cauchemar du réel humain. Rempart protecteur, il ne dit rien. Naître et obéir. Premiers pas de l’être d’argile dans le monde des hommes.
À mi-hauteur, un autre décor est suspendu. Un arbre, des façades de maisons, sous lesquels les corps vont s’enduire de cette même matière que celle qui a façonné le Golem.
Dans cet enchevêtrement, des panneaux glissent sur la scène. Morceaux de murs peints ou fragments de toiles inachevées ? Les corps d’argile fusionnent avec ce nouveau décor qui soudainement s’enflamme. La scène est recouverte de flammes éparses, projetées sur ces panneaux et sur ces corps d’argile qui nous murmurent… Autrefois, les pogroms.
Lorsque ce brasier s’éteint, le temps redevient autre. Les personnages se regroupent et se retrouvent assis sur le tas de vêtements qu’ils ont rassemblés. Le Golem est là, lui aussi.
Et à tour de rôle, les personnages/conteurs/acteurs/êtres humains, viennent sur le devant de la scène. Chacun se présente avec son vrai nom et raconte brièvement un fragment de son histoire en évoquant parfois ses multiples origines. À cet instant, ils ne sont plus personnages ou conteurs, mais « eux-mêmes ». Un acteur, face à son public qui ne raconte plus l’histoire du Golem, mais sa propre histoire.
Lorsque l’on quitte le théâtre, l’aventure humaine continue. On emporte avec nous toutes ces présences, réelles ou fictives, et cette terre argileuse où le Golem a laissé en nous un grand moment de théâtre.
Le Golem est désormais en chacun. Une majorité ne parle pas Yiddish, mais cette langue devient soudainement la nôtre ; nous renvoyant aux mots d’Isaac Bashevis Singer « (…) j’aime les histoires de fantômes, et rien ne va mieux aux fantômes qu’une langue qui se meurt. Plus la langue est morte, plus le fantôme est vivant. »
*****
vendredi 21 février 2025
"THE BRUTALIST", UN FILM DE BRADY CORBET
Une entrée dans l'obscurité. Des pas illusoires vers la lumière. La création comme planche de salut. L'est-elle vraiment ? Des plans serrés. Une lumière qui laisse toute sa part à l'ombre. Un corps à corps avec le réel et des temporalités. Un montage où les temps se dissolvent dans l'instant et la matière, dans la souffrance constante des chairs et du souvenir.
Le protagoniste, interprété par le génial Adrien Brody, est revenu de l'enfer des camps dans une quête d'éternité créative, comme unique moyen de survie. Où est-ce que "tout cela" conduit ?
Quand un jeune cinéaste américain, en l'occurrence Brady Corbet, nous montre le revers de la médaille du "rêve américain" dans un temps d'après-guerre, revisité dans la matière brute d'une œuvre monumentale qui se construit sous nos yeux, nous avons l'impression que ce qui s'éteignait sur ce territoire reprend vie, là où on ne l'attendait pas.
L'art, comme une trace mémorielle, qui ne sera pas perçue comme telle dans un monde où les rêves se fabriquent à partir des apparences et de "la planche à billet vert".
Il y a tant d'autres choses à dire sur cette fresque vertigineuse. Le montage partition (image et son), les plans au couteau ou comme une valse infinie ; la façon de filmer au plus près, parfois à distance, comme un contrechamp qui donnerait l'illusion de quelques ouvertures... Oui, il y a tant à dire…
Ça commence dès le générique début à l'horizontal, qui bien sûr « n’ouvre pas » le film. Quant au générique final, il devient une spirale infernale qui laisse la place à la musique, comme un vieux disque qui tournerait à l'infini. Dans le vide ? Pour la mémoire ?
Mais entre le début et la fin... Il y a 3h35 qui passent à une vitesse... Presque trop court. La seule longueur (et quel dommage) l'entracte de 15'.
Une fresque à voir absolument. Pour l'amour de l'art. Pour la force salvatrice de la mémoire. Une mémoire qui nous rappelle que l'idée de « liberté » n'est pas là où on nous l’avait « dessinée ». On avait beau le savoir. Il est important de le rappeler en ces temps.
*****
« (…) dès que l’on commence à écrire, tout devient fiction. » (Brady Corbet - Extrait de son interview - Cahiers du Cinéma, février 2025)
À la lecture de cette phrase, j’entends soudainement d’autres mots. Ils surgissent en écho, comme une interrogation, l’extension d’un imaginaire… « Dès que l’on commence à être, tout devient-il fiction ? » Notre mise au monde serait-elle une fiction ? Un mauvais rêve ? ... Jusqu’à cet instant où la douleur… insoutenable.
Insoutenable le réel. Avoir la force de l’imaginaire à incarner de nouveaux mondes. L’imagination ne fait-elle pas corps avec le réel ? Ne provient-elle pas de l’esprit ? Cette part invisible de notre réalité ?
D’où viennent ces choses que nous inventons ? Mémoires oubliées ? Endormies ? Souvenirs éteints de temps millénaires ?
S’éveillent des fragments de l’histoire de l’humanité en nos chairs vivantes.
Nous ne les avons pourtant pas vécus, tous ces souvenirs ; et pourtant, ils sont là, en nous.
Insondable besoin d’un ailleurs. Transcender le réel, comme une nécessité.
Mais pourquoi ce réel, qui nous accueille, n’est-il pas à la hauteur de nos espérances ? Que lui manque-t-il pour que nous fassions appel à notre imaginaire ? Et quelle est la nature de cette force qui nous pousse à la création pour tenter d’exister ? Survivre. Vivre.
Être mis au monde et s’évaporer.
L’art pour tenter de vivre. L’art pour oublier le pire du réel.
Demeure la page blanche qui accueille. Demeure la page blanche qui efface.
Que s’est-il passé entre le premier cri et le dernier souffle ?
Générique début. Générique fin.
Il était une fois, la vie. Et sans en savoir plus, clap de fin.
*****
mercredi 19 février 2025
SOIRÉE LECTURES ET DEDICACES - "JOURNAL DE CENDRES" LE 27. 2. 2025 à19h30 À LA LIBRAIRIE - CAFÉ : L'OURS ET LA VIEILLE GRILLE (PARIS - 75005)
Je serai ravie de vous retrouver, lors de cette soirée, au cours de laquelle trois auteurs des Éditions Unicité - François Mocaër, présenteront leurs livres.
Pour ma part, j'aurai le plaisir d'évoquer "Journal de cendres" dont quelques extraits seront lus par la romancière, poète et artiste peintre, Colette Klein.
Venez nombreux. Les auteurs ont besoin de votre belle présence.🌹
mercredi 11 décembre 2024
LA LETTRE D'AMÉLIE NOTHOMB, APRÈS AVOIR LU "JOURNAL DE CENDRES"
Mi-octobre, je recevais une lettre... Je ne comprenais pas comment son auteur avait eu mon livre... En appelant une amie dont le nom était mentionné (mon seul indice), le mystère fut résolu. Cette amie avait envoyé mon livre à Amélie Nothomb, sans la connaître. 48h après, je recevais sa lettre !! Elle figure désormais en bandeau, (avec l'accord de l'auteur), aussitôt donné à mon éditeur François Mocaër - Éditions Unicité.
dimanche 8 décembre 2024
TOTALITARISMES ET TOUS LES "ISMES"
« Pire que le bruit des bottes, le silence des pantoufles ». Ces mots de Max Frisch, hérités du passé.
Aujourd’hui, le « pas de vagues » étouffe les gorges silencieuses. Le « pas de vagues » est porteur de cette lame de fond qui finit un jour par tout emporter sans distinction. Les silencieux, comme les courageux.
Cette lame de fond est la grande faucheuse de l’histoire humaine, qui pour se sauver, clame le mot « liberté » tel un bouclier. Mais aux premiers cris des tribuns, ces mêmes humains sont enclins à la sacrifier.
Résurgence des passés, le tribun crie comme un nouveau-né ; prêt à s’emparer du pouvoir dans lequel il projette sa silhouette sculptée dans le marbre de la grande histoire.
Le peuple semble avoir oublié le passé. Le peuple lui sert de marchepied. Et lorsqu’il aura triomphé, le faussaire n’hésitera pas à les bâillonner.
Une nouvelle fois, le peuple a voté. Une nouvelle fois, il est berné.
La porte est grande ouverte… s’infiltrent tous les « ismes » et tous les « istes ».
Vaincre le totalitarisme. Légitime combat. Mais le plus souvent pour y parvenir, les tribuns populistes emploient les mêmes méthodes que celles qu’ils dénoncent du camp adverse.
Radicalité des extrêmes. Opacité des alliances. Pour faire passer leurs idées ou toutes celles qu’ils n’ont pas, ils font monter les enchères du clientélisme ; quitte à devenir les complices des pires « istes ».
Que sont devenues la République, l’école laïque, la liberté d’expression, l’universalité des esprits qui laissaient la place à tous dans le grand amphi de la cité partagée ?
Autrefois, on se battait pour les minorités. Les mêmes droits pour tous.
Aujourd’hui, commence l’ère tribale, qui au nom des libertés, tombe dans les pires excès.
Autrefois, la libre création. Aujourd’hui, régression.
Censure. Autocensure. On est pointé du doigt, dès que l’on s’insurge des abus d’un groupe, d’une minorité, de ceux d’une communauté. Amalgames assurés. L’ère victimaire semble triompher.
Pour les calmer, de singuliers dédommagements leurs sont donnés et deviennent pour tous des critères prioritaires d’éligibilité : cases cochées, quotas assurés. Autrefois, le contenu.
Danger de mort. Les cibles sont désignées. Les plus courageux, ceux qui ont osé parler, analyser, alerter, vivent désormais sous protection policière. Pas la moindre solidarité d’un élan populaire pour les sortir de cette souricière.
Les enchères du clientélisme deviennent le seul programme des politiques, qui à l’instar des valeurs boursières, ont un même objectif. Le pouvoir… à n’importe quel prix.
Et l’histoire devient des pages que l’on déchire sous le joug d’un entrisme ; le confluent de nombreux « istes ».
Et les heures les plus sombres reviennent à la surface du monde, de notre monde.
Autrefois, les idées. Autrefois, les débats.
Aujourd’hui, idéologies meurtrières, populismes sans frontière.
Les uns vocifèrent l’ère révolutionnaire, les autres, dans l’ombre de leur vernis, préparent l’ère réactionnaire.
Autrefois, la terreur. Aujourd’hui, la terreur… Catharsis des temps nouveaux pour justifier tous les « ismes », déclinés à l’infini.
Autrefois, les pantoufles.
Aujourd’hui, « le pas de vagues ».
*****
dimanche 29 septembre 2024
MEGALOPOLIS, UN FILM DE FRANCIS FORD COPPOLA
« Megalopolis » est un choc cinématographique. Une rupture avec le connu. Un labyrinthe dans lequel on ne peut se perdre car… comme Alice a suivi le lapin blanc, il nous suffit de suivre le fil de cette narration, aux multiples fragments et ramifications, qui nous transporte dans un temps non linéaire.
Le montage est une partition fragmentée qui raccorde les temps de diverses époques. Vertigineuse fusion, une à une elles se répondent en miroir. Éclats de verre brisé… Depuis l’Antiquité, il semblerait qu’il n’y ait toujours rien de nouveau sous le soleil.
L’histoire est assez claire. L’être humain a beau changer de décor et d’époque, il reproduit sempiternellement la même histoire décadente de lui-même, se pose les mêmes questions, commet les mêmes erreurs et retombe dans les mêmes pièges.
Malgré son évolution, l’homme n’a pas fait de grands pas en lui-même, hormis celui qui l’a conduit à l’art et à la création. Ce pas fut un premier saut dans l’inconnu.
« Megalopolis » nous offre un magistral éventail de toutes ces traversées créatives que furent, entre autres, les arts, la littérature, le théâtre et le cinéma. Si toutes ces explorations n’ont pas répondu au mystère de l’être, elles ont peu à peu transformé le monde et arrêté le temps en figeant la matière ; à l’instar du protagoniste, César Catilina, artiste de génie, interprété par Adam Driver.
Pour Coppola, « le premier homme qui a peint des animaux dans une grotte a arrêté le temps ».
L’art est aussi pour lui un moyen d’explorer un peu plus profondément la conscience humaine en dépassant ses propres limites. « Nous sommes illimités, il n’est rien que notre créativité ne puisse accomplir »
Ce film est un hymne à la création, à la liberté ; à y percevoir un encouragement à la « sédition créative », afin que la création redevienne un espace sans limite, émancipée des règles et des dogmes qui l’enferment et la formatent. Dépasser, transcender les mondes, s’émanciper du connu et de tout ce qui rassure… Peut-être la voie vers un avenir meilleur ?
Coppola dira lors d’une interview qu’« Hollywood est devenu une chaîne de fast-food (…) L’art est tout l’inverse. »
C’est dans cette quête créative que le cinéaste entraîne son personnage, César Catilina. L’homme aux multiples visages, porté par ses addictions, hanté par ses fantômes et son désir de transformer le monde contre vents et marées.
Magnifique moment cinématographique que celui où César traverse cette « frontière » qui sépare les morts des vivants pour rejoindre sa femme défunte et tresse ses cheveux dans le vide, après lui avoir offert de « vraies » fleurs. Sur le chemin qui le conduit à ces retrouvailles particulières, un fleuriste est magiquement apparu comme un rêve dans le rêve.
S’échapper du réel en faisant de son esprit la scène onirique d’un temps révolu et de la création une passerelle vers l’immortalité… Un écho à cette terrible réalité qui a bouleversé la vie du cinéaste. Le film est dédié à sa femme, récemment décédée.
La magie du cinéma comme une catharsis où les fantômes du réel deviennent des corps pelliculaires.
« Megapolis » est aussi une ode à l’amour. Quand l’égotique nature humaine se noie dans la luxure, les jeux, l’illusion du pouvoir et de l’argent, l’authenticité d’un cœur peut tout changer et redonner son centre de gravité à l’humain.
La scène où Julia Cicero, un bouquet à la main, rejoint César Catilina sur les poutres métalliques d’un immeuble, suspendues dans le vide, est d’une incroyable beauté. Elle donne une troublante impression d’être le contrechamp « à retardement » de la scène de la défunte épouse ; faisant basculer le film dans un autre temps.
Mais rien n’est simple pour que les temps soient « raccordés ». Julia Cicero, interprétée par Nathalie Emmanuel, est très attachée à son père, le maire conservateur, ennemi de César, interprété par Giancarlo Esposito ; tout en étant amoureuse de l’insaisissable artiste qui veut transformer la ville de son père.
« Megalopolis » nous conduit dans le labyrinthe de l’âme humaine où l’on perd la trace du réel et de l’illusion. Ces mondes confondus sont-ils des réalités ? Des élucubrations de l’imaginaire ? Et le temps ? Une invention de l’esprit humain, comme ces dieux dont il a besoin ? « Dieu a-t-il créé les humains ou ceux-ci l’ont-ils créé dans leur esprit » s’interroge à plusieurs reprises César Catilina.
À Megalopolis le temps s’est effectivement arrêté. L’histoire se regarde du haut de ce promontoire où l’imaginaire s’empare du réel, jusqu’à ce point de non-retour où il franchit le seuil de l’inconnu. Vers un avenir meilleur ?
Ce film, qui parle du temps, le fige en nos mémoires de façon parcellaire, à nous donner l’envie de le rembobiner et de revoir la subtile partition de ce montage dont le rythme prestissimo nous entraine dans le tourbillon de l’infinie profondeur de l’être.
S’émanciper du connu, des codes et des règles ; c’est ce qu’a fait Francis Ford Coppola en réalisant ce chef-d’œuvre dont aucun système hollywoodien ne voulait. Un saut dans le vide. Une mise en danger financière et créative. L’audace d’un pas libre, intemporel… comme un éveil.
*****
mardi 10 septembre 2024
"Journal de cendres"... Une publication... des pas vers l'inconnu !
Pour certains, ce n'est jamais facile de "s'offrir au monde"... Alors que pour d'autres... C'est la "routine". Pourquoi écrire dit la conscience silencieuse ? Imparable force persuasive... C'est publié... Nul autre choix que d'y aller. Alors voici quelques pages. Le reste... désormais disponible sur le site de l'éditeur :
http://www.editions-unicite.fr/auteurs/GAUTARD-Michele/journal-de-cendres/index.php
dimanche 1 septembre 2024
PUBLICATION DE "JOURNAL DE CENDRES " vers la mi-septembre 2024
En attendant… quelques photos et la note de l’éditeur
La publication d'une oeuvre est cet instant de rupture où les mots s'incarnent vers un ailleurs.
Sur ces pages-là... Le stylo définitivement posé.
Sarcophage des mondes intérieurs
Qu’est-ce qu’un journal ?
Papillon de la nuit
Le jour n'emporte pas toujours…
dimanche 10 mars 2024
"LES CARNETS DE SIEGFRIED", UN FILM DE TERENCE DAVIES
Carnet de vie. Carnet de mort. Le corps traverse l’histoire. Le corps victime de l’histoire. Le corps se révolte. Le corps désire. Les temps ne sont pas propices.
Ces carnets ont pour toile de fond la première guerre mondiale et le spectre de la seconde. Cette grande histoire collective que quelques-uns décident pour l’ensemble… Mutilation des destins. Désobéir, refuser de cautionner cette boucherie. Ces carnets, d’une histoire individuelle, sont des pages ouvertes sur toutes ces questions. Des pages sur lesquelles le traumatisme mortifère de la guerre donne singulièrement vie à la poésie.
« Les carnets de Siegfried » sont ceux d’un poète britannique oublié, Siegfried Sassoon, devenu objecteur de conscience, après être revenu du front lors de la guerre de 1914 ; révolté et traumatisé par tous ces corps emportés, le plus souvent dans la fleur de l’âge.
Corps sacrifiés avant d’avoir pu vivre le temps de l’amour et des plaisirs. Quant aux survivants, ils ne sont que chairs brisées, mutilées, esprits torturés. Les morts vivants de temps qui ne sont plus les leurs. La guerre annexe les chairs et meurtrit l’âme.
Chair à canon. Chair regorgeant de désirs. La partition de cette survie s’inscrit sur les pages du carnet du poète où les vers et le sexe deviennent des lucarnes lumineuses, parfois elles aussi douloureuses.
Le cinéaste Terence Davies, alterne les temps et les époques et parfois les superpose dans la grâce d’un montage pelliculaire où des images en noir et blanc, évoquant le front, répondent magnifiquement aux images en couleur, incarnant les guerres intérieures de ce jeune poète.
Jugé par sa hiérarchie, protégé par les siens, lui évitant la cour martiale, il sera un temps envoyé en hôpital psychiatrique. Il y rencontrera un médecin à l’écoute, par moments étrangement miroir apaisant. Il y fera surtout la rencontre du jeune poète Wilfred Owen dont il tombera amoureux.
Les chairs aiment la vie, le sexe et la poésie, mais la guerre sépare les corps et ne laisse pas le temps à l’amour d’être pleinement vécu. Demeurent la douleur et les vers.
À travers l’histoire de ce poète oublié, cet ultime film de Terence Davies, mort à l’automne 2023, nous offre la résurrection d’un passé, tel un héritage testamentaire.
Bien au-delà du miroir contemporain que nous tend Terence Davies, cet ultime film est une magnifique partition cinématographique. Une création mémorielle qui redonne à la poésie, au désir et à l’amour, tout ce que l’horreur des guerres ôte à l’humain.
*****
samedi 27 janvier 2024
POÉSIE, J'ÉCRIS TON NOM
Poésie, j’écris ton nom
Car je lis partout
Propriété privée
Poésie, j’écris ton nom
Car dans le silence des espaces blancs
S’échappent des cris d’autres temps
Certains t’étiquettent sur leurs manchettes
Et machette à la main
S’autoproclament
Cerbères de tes vers
Zone occupée
Temps indéterminé
Excommuniés
Tous ceux qui ne sont pas
Et pourtant
De la prose aux mains sales
Les vers en ont vu d’autres
Poésie, j’écris ton nom
Car à l’instar du soleil
Tu éclaires sans distinction
Le palais des merveilles
Le caniveau recouvert d’excréments
Poésie, j’écris ton nom
Car des tribunaux d’anciens temps
Sont érigés en ce nom
Quand le mirage de l’entre-soi
Altère les plus nobles causes
L’ère tribale devient cannibale
Mais tout cela
Oui, tout cela
Ce n’est plus toi
Tout cela
Oui, tout cela
Ne te ressemble pas
vendredi 26 janvier 2024
"THE ZONE OF INTEREST", UN FILM DE JONATHAN GLAZER
Le film de Jonathan Glazer « The Zone of interest » (La Zone d’intérêt) est un choc cinématographique. Ce chef-d’œuvre, d’une puissance « sourde », nous propulse dans le périmètre d’un espace clos où le hors-champ deviendra « visible » grâce à la bande son.
Là où Hannah Arendt parle de « banalité du mal », Jonathan Glazer, lui, filme la banalité d’un quotidien dans la matrice et les viscères de ce même mal.
Le quatrième long-métrage de ce cinéaste, bien trop rare, nous conduit de l’autre côté du mur du camp d’Auschwitz, dans l’enceinte quotidienne de la demeure où vit Rudolph Höss avec sa famille.
Tout ce qui se passe de l’autre côté de ce mur gris, réhaussé de fils barbelés, restera hors-champ. Ne seront visibles à l’image que le faîte des baraquements jalonnant ce mur et une cheminée. La caméra restera d’un seul côté du mur, celui où le quotidien de la famille Höss va se dérouler dans l’indifférence de l’horreur qui l’entoure. Seule la fumée viendra par intermittence « troubler » la quiétude des lieux.
Dès le générique début nous pénétrons dans une zone grise. Lorsque s’inscrit le titre du film, les lettres qui le composent sont peu à peu absorbées par un fond gris, jusqu’à leur effacement total ; nous laissant face à cette couleur dont l’unique présence envahit l’écran un temps qui semble infini.
Césure. Le premier plan s’ouvre sur l’univers bucolique de la famille Höss qui se prélasse au bord de l’eau. La bande son est minimale, laissant la pleine place à une image silencieuse.
Chaque plan va peu à peu nous renvoyer l’atmosphère d’une vie programmée dans la méticulosité d’un quotidien où Hedwig, la femme de Höss, interprétée par Sandra Hüller, va régner sur « son Éden », comme elle qualifiera leur demeure, pendant que son époux règne en maître bourreau sur le camp d’Auschwitz.
L’image a beau ne rien nous montrer de ce camp, le diable est dans les détails. Et certains renvoient symboliquement à tout ce qui se passe de l’autre côté du mur. Il y a notamment cette piscine, qui fait la fierté du couple, et au-dessus de laquelle retombe, comme une fleur fanée, une pomme de douche.
Un soir, lorsque toute la famille est couchée, le personnage de Rudolf Höss, interprété par Christian Friedel, déambule dans le jardin et referme d’un geste machinal le robinet de cette douche que quelqu’un n’a pas bien refermé. Un peu comme si rien, absolument rien, ne devait perturber l’ordre des lieux, ni troubler le sommeil de cette famille.
Cette piscine est aussi un marqueur temporel des saisons. L’été finit par céder sa place au plein hiver. L’eau du bassin est gelée. Les enfants jouent avec la neige. L’un d’eux évoque sa bravoure d’avoir affronté ce froid pour le simple plaisir de jouer avec cette neige qu’il aime tant. Si rien d’autre n’est dit, tout est dit par cette image qui parle d’elle-même. D’instinct, cette neige, ce froid, la glace, nous propulsent implicitement de l’autre côté du mur.
Si le jour, Hedwig Höss règne en maîtresse de maison sur cette demeure, la nuit, le maître et bourreau des lieux, en devient l’unique protecteur.
Une scène en souligne le mécanisme pathologique, lorsqu’à la nuit tombée Höss éteint une à une les lumières de chaque pièce, alors que tous dorment. Tout le temps que va durer cette scène, la caméra restera à l’extérieur, filmant en plan fixe la façade de cette demeure dont la vision intérieure n’est visible que par les ouvertures que laisse entrevoir chaque vitre éclairée. Dans le périmètre de ce plan fixe, un seul mouvement, lent, rituélique, celui de Höss se déplaçant d’une pièce à l’autre, jusqu’à cette montée d’escalier le conduisant à sa chambre, où il finira par éteindre une ultime lumière… Fondu au noir sur la nuit sombre d’Auschwitz.
Une autre nuit, on le suivra dans un mouvement névrotique similaire, cette fois à l’intérieur de la maison où il refermera méticuleusement un à un tous les verrous de chacune des portes menant vers l’extérieur ; inversant ainsi dans son propre espace, la notion de menace et de danger.
Ce film nous conduit au cœur d’un univers totalement déshumanisé, auquel la femme de Höss non seulement contribue, mais va s’accrocher ; au point de ne pas suivre son mari le temps de sa mutation provisoire. Ce seul temps, sera celui où la caméra suivra Höss dans un espace extérieur à sa demeure familiale.
Cette atmosphère terrifiante de déshumanisation du couple Höss est un mal qui semble avoir contaminé l’ensemble de la famille. Les dents d’or qu’ausculte l’aîné avec une lampe de poche, la nuit dans son lit, est une scène aussi glaçante et déconcertante que cette autre scène où l’un de ses jeunes frères, dérangé dans son jeu par ce qu’il entend à l’extérieur, s’approche de la fenêtre de sa chambre et finit par marmoner mécaniquement sa propre sentence sur ce que lui renvoient en son imaginaire, les sons et cris qui proviennent du camp. Il retournera à son jeu, comme si ce qui se passait de l’autre côté du mur en faisait partie !
Jonathan Glazer plante sa caméra au cœur d’une plaie, celle d’un mal que l’on croyait avoir vaincu. Mais en ces temps, où le populisme se banalise, où certains réécrivent l’histoire, à faire fi du travail de mémoire, de nouveaux murs s’érigent. Et les plaies s’ouvrent une à une. Demeure la puissance mémorielle de la création… comme un baume.
*****
samedi 19 août 2023
"FERMER LES YEUX" - Un film de Victor ERICE
Le film « Fermer les yeux » de Victor Erice est la pépite cinématographique de cet été 2023. Cinéaste bien trop rare, son œuvre est à découvrir ou redécouvrir. En 50 ans de carrière, il n’a réalisé que quatre longs-métrages. « Fermer les yeux » est son quatrième.
Ce chef-d’œuvre bouleversant est une mise en abyme, subtilement orchestrée par le montage et ce rapport au temps que semble si bien connaître Victor Erice et avec lequel il jongle admirablement pour élaborer sa trame narrative.
Les frontières qui habituellement distinguent « le réel » de l’illusion et de l’imagination créative, disparaissent dans ce film. Les éléments qui les composent ou les représentent, comme par exemple des objets, forment une complémentarité qui rend un magnifique hommage au cinéma et à ses « accessoires ».
La très belle scène d’ouverture, filmée en 35 mm, nous plonge dans un univers dont l’action se déroule en 1947. Ce début nous entraîne dans une histoire dont on aimerait voir la suite ; mais une césure temporelle et pelliculaire nous oblige à quitter cette atmosphère envoûtante. Nous passons du 35mm au numérique et changeons ainsi d’époque. Nous voilà propulsé en 2012.
Le film tourné en 35 mm, dont on vient de voir un fragment, est inachevé. Il fut réalisé 20 ans plus tôt par l’un des protagonistes Miguel Garay. Dans ce nouveau temps numérique, nous y découvrons Miguel arrivant dans les locaux d’une télévision où il a rendez-vous. Il vient participer à une émission de « télé-réalité » dont l’objectif est la recherche de personnes disparues.
La présentatrice de l’émission s’intéresse à la disparition de l’acteur principal du film de Miguel ; Julio Arenas, acteur célèbre à l’époque, disparu en plein tournage. C’est principalement pour cette raison que le film n’a pu être achevé. Miguel dira d’ailleurs qu’il a perdu un film et son ami. Les deux hommes étaient liés depuis leur jeunesse. Il fut donc impossible de remplacer Julio pour finir ce tournage.
Qu’est devenu Julio, parti sans laisser le moindre indice et pas la moindre trace ? Est-il toujours vivant ? S’est-il suicidé ? A-t-il volontairement changé d’identité ? Il s’est totalement volatilisé du réel, laissant de lui les rushes d’un film inachevé et le visage d’un homme sur lequel le temps s’est arrêté. Le mystère demeure toutes ces années après.
Cette émission va servir de fil conducteur pour ouvrir les malles du passé. Un fil qui va tenter de raccorder les temps cinématographiques avant de laisser sa pleine place au cinéma.
Lors de son passage à Madrid, pour les besoins de cette émission, Miguel va ouvrir des coffres anciens dans lesquels des objets « réels » de son passé vont se mêler aux accessoires du décor de son film inachevé ; le tout stocké pêle-mêle dans un garde-meuble.
À leur tour, ces objets vont le conduire à retrouver des personnes de ce même passé. Une quête qui va peu à peu ouvrir des portes verrouillées et faire ressurgir d’autres fantômes. Julio Arenas est-il le seul fantôme disparu ?
Lorsque les frontières du réel et de l’illusion cinématographique semblent ne plus avoir d’importance, « le réel » finit par prendre racine dans des objets ayant servi de décor à ce film d’un autre âge. Auront-ils la force d’ouvrir cette mémoire cadenassée du passé ?
Si la vie peut conduire à la perte du réel, le cinéma peut-il devenir une passerelle qui ramène vers ce réel ?
« Au cinéma, il n’y a pas eu de miracle depuis la mort de Dreyer », comme le rappelle magnifiquement l’un des personnages du film.
Mais le réel et l’imaginaire ne forment-ils pas la trame d’un même monde, celui du vivant ?
Vivre. Créer. Faut-il vraiment choisir ? Miguel s’interroge sur l’idée de chef-d’œuvre. Pourquoi vouloir faire de sa vie un chef-d’œuvre et non un film ?
Disparaître du réel… en plein tournage. La télévision s’empare du sujet dans un temps où les boîtes de films s’entassent dans le local de Max, ami de longue date de Miguel, cinéphile et conservateur de toutes ces « vieilles bobines ». Superbe personnage qui incarne la mémoire du cinéma et se fait le gardien de ces temps où ce même cinéma portait une somptueuse robe pelliculaire. Un corps que l’on pouvait toucher, caresser et dérouler comme une traîne de lumière dans un espace obscur où un à un, les photogrammes, s’illuminaient comme des lucioles. « Il n’y a même plus de projecteur pour passer toutes ces bobines » comme le rappelle Max. Et pourtant…
Si la mémoire et les êtres s’absentent d’un réel, le cinéma de Victor Erice devient leur boussole ; tout en nous rappelant que la pellicule est une matière aussi périssable que l’être et fragile comme sa mémoire.
Les rushes projetés de ce film inachevé semblent détenteurs d’une force mystérieuse. Un peu comme si chaque photogramme (encore eux) formait les pièces d’un puzzle de la mémoire qui s’éveillerait, grâce à la magie du cinéma dont un vieux projecteur se fait le passeur. À redonner vie à la pellicule 35mm et aux derniers plans de ce film inachevé. Des images qui clôtureront superbement le film de Victor Erice.
« Fermer les yeux » est un chef-d’œuvre dont la transcendance émotionnelle n’est pas dans l’histoire, mais dans l’acte de création que nous offre Victor Erice. Une création sans laquelle l’âme humaine serait sans sa lumière.
Lorsque des yeux se ferment… fondu au noir sur une victoire, celle du cinéma.
*****